

Mathilde Leveau
L’anatomie humaine et le corps dans la mort sont l’essence de mon travail. Il s’agit d’explorer le squelette, les écorchés, la façon dont le corps se fait et se défait. C’est la recherche de ce qui n’est pas visible de notre corps, mais surtout de ce qu’on ne veut pas en voir.
Le métal, à la fois pérennité et rouille, le tilleul, poreux et putrescible, la terre qui se désagrège jusqu’à la poussière : les matières sont choisies pour leurs qualités intrinsèques afin d’exprimer au mieux l’intention. Sculptures et dessins sont indissociables et s’influencent mutuellement. Le caractère graphique et l’évanescence du trait sont transposés dans la sculpture.
Je ressens en permanence le poids de l’histoire de l’art, notamment à travers les études anatomiques et les vanités. La littérature est un complément, une résonnance. Les poèmes de Baudelaire, Hugo ou Rimbaud sont des compagnons, ma vision est complétée par la leur. Bien qu’archétypes, la vie et la mort sont la moelle de mon travail. Loin de m’en défendre, je cherche à pousser cela le plus loin possible. Faire naître en chacun la conscience aiguë de l’espace si ténu qui sépare le corps vivant du corps mort. Arthur Rimbaud touche un nerf lorsqu’il lance d’un ton badin « Et c’est pourtant pour ces éclanches Que j’ai rimé ! »
Cette démarche est aussi le reflet d’un art engagé. Elle va contre l’idée de la grande pérennité de l’oeuvre. L’oeuvre d’art immuable n’existe pas, tout est éphémère à une certaine échelle. Comprendre cela c’est donner à son travail une autre sensibilité. On peut alors façonner une nouvelle matière : le temps.
© 2015 by MCJ De.Culturalis